Contre le projet de loi sur la représentativité syndicale
On risque de voir disparaître trois organisations syndicales»
«Avec la réforme de la représentativité syndicale qui devrait être votée par le Parlement cet été, les pouvoirs publics jouent avec le feu. Au nom de la démocratie sociale - c'est du moins la raison avancée par la CGT, la CFDT et du Medef - et de l'efficacité - c'est l'argument du gouvernement – on risque de voir disparaître, demain, trois organisations syndicales.
Or, la démocratie est la grande absente de ce projet de loi.
D'abord parce que le projet de loi, actuellement en cours de discussion, fait l'objet de marchandages éhontés entre le gouvernement, le Medef et la CGT-CFDT, dans le dos des salariés, au nom des seuls intérêts de boutiques.
Ensuite parce qu'on est en train, ni plus ni moins, de rétablir le suffrage censitaire, système électoral selon lequel seuls pouvaient voter ceux qui payaient l'impôt, c'est-à-dire les plus riches ; les plus pauvres ne disposant donc pas du droit de vote.
Demain, seuls les salariés des entreprises de plus de 10 salariés pourront voter. Soit plus d'un million et demi d'entreprises sur un total de 2,6 millions et plus de 24 % des salariés qui n'auront pas voix au chapitre et qui sont souvent ceux qui ont le plus besoin d'être défendus.
Enfin, parce que, si ce projet de loi est adopté en l'état, on peut dire adieu au pluralisme syndical.
Ni «béni oui oui», ni «grincheux».
D'un revers de main, les complices du jour renverraient aux oubliettes les victoires sociales que des syndicats dits «petits» ont contribué à construire, contre un syndicat béni oui-oui (ou d'accompagnement), la CFDT, qui, après une phase gauchiste et autogestionnaire, signe tout et n'importe quoi, au nom de prétendues avancées sociales, mais qui ne sont, en fait, que la pommade sociale qui accompagne des mesures libérales, contre un syndicat grincheux, la CGT, qui a toujours été contre toute évolution, emmuré dans une doctrine politique qui a depuis la chute du mur en 1989, montré les nuisances auxquelles elle peut
conduire, syndicat qui n'a jamais voulu engager sa signature, laissant les autres prendre les risques à sa place.
La CFTC a toujours été un acteur majeur du dialogue social sur tous les sujets.
la CFTC est constructive et exigeante, lorsqu'elle participe à la négociation, c'est pour aller jusqu'au bout puis signer, comme elle l'a fait avec la réforme du marché du travail (contrairement à la CGT) ou non, comme par exemple en 2003, pour la réforme des retraites, contrairement à la CFDT qui a négocié sa signature et sa place de «leader des organisations réformistes» avec les cabinets ministériels, promettant aux salariés nombre d'améliorations, dont la prise en compte de la pénibilité au travail, avec le succès que l'on constate aujourd'hui.
(…) Pourrait-on parler de démocratie s'il n'y avait plus que deux partis politiques ?
On nous dit, également, que réduit à deux organisations, le syndicalisme français sera plus efficace, les adhérents plus nombreux et les salariés mieux défendus.
Cet argument ne tient pas plus la route que celui de la démocratie. Serions-nous mieux informés s'il n'y avait que deux journaux ? C'est la diversité qui crée l'adhésion, pas l'uniformité. «Instrumentalisation du syndicalisme» Il est paradoxal, à l'heure où l'on prône la liberté d'entreprendre, où l'on pousse les Français à créer leur propre entreprise, à élever au rang de valeur fondamentale et universelle la concurrence, de tout mettre en oeuvre pour limiter la liberté de se syndiquer. Vers qui se porteront les voix qui vont aujourd'hui sur la CFTC ? Il y a fort à parier que la plupart d'entre elles seront perdues. Imaginer que les adhésions se reporteront sur les deux organisations restantes c'est faire preuve de naïveté ou d'une méconnaissance des salariés qui sont attachés au pluralisme.
Pour toutes ces raisons, la CFTC a refusé de signer la «position commune» du Medef, de la CFDT etde la CGT. Une «position commune» qui contient en germe la fin de nombreux acquis sociaux.
Jusqu'à la loi Fillon de 2004 réformant le dialogue social, la loi constituait un socle minimal qui s'imposait à tous, mais que des accords de branche ou d'entreprise pouvaient améliorer.
La loi Fillon a permis de revenir sur cette pratique. La loi Bertrand sur le dialogue social, va désormais permettre aux entreprises de faire leur propre loi... avec la bénédiction de la CGT et de la CFDT qui espèrent par ce biais conforter leur implantation dans les entreprises aux dépens des autres organisations syndicales confédérées ou autonomes.
La CFTC ne peut se satisfaire d'une telle instrumentalisation du syndicalisme et avec Force-Ouvrière et avec tous les syndicats et les salariés qui sont attachés à un syndicalisme de terrain, non soumis aux aléas politiques des appareils, elle lance une pétition sur des questions clés comme le pouvoir d'achat, les retraites et la durée du travail.»
Jacques Voisin, président de la CFTC.